Trente mille dollars. C’est le prix d’un site web mal traduit, désormais, pour certaines entreprises québécoises. Même un simple courriel en anglais, échangé entre collègues anglophones, peut aujourd’hui valoir une sanction. Les formulaires RH, tout comme les logiciels utilisés en interne, sont scrutés à la loupe : l’Office québécois de la langue française veille, prêt à intervenir au moindre faux pas.
Depuis juin 2022, la conformité linguistique n’est plus l’apanage des grandes sociétés. Des commerces de quartier aux filiales de multinationales, tous les types d’organisation doivent s’aligner. Panneaux, documentation interne, affichage public : rien n’échappe à la nouvelle donne. Les pratiques de travail au Québec en ressortent profondément transformées, à tous les échelons.
La loi 96 au Québec : comprendre ses origines et ses objectifs
En 2022, le gouvernement du Québec a adopté la loi 96, marquant une étape décisive dans la préservation du français. Cette réforme ajuste en profondeur la Charte de la langue française de 1977, plus connue sous le nom de loi 101. L’Assemblée nationale du Québec a ainsi réaffirmé la place du français comme langue officielle et commune partout sur le territoire.
Cette loi s’inscrit dans la continuité d’une démarche entamée il y a près de cinquante ans : s’assurer que le français reste la langue de travail, d’enseignement, d’administration et d’affaires au Québec. Face à des dynamiques démographiques mouvantes et à l’attrait de l’anglais, le législateur a renforcé la protection du français. L’Office québécois de la langue française voit ainsi son champ d’action élargi : il peut désormais intervenir aussi bien auprès du secteur privé que des institutions publiques et des organismes associatifs.
Les ambitions sont claires : consolider le français comme langue commune au Québec, faciliter l’intégration linguistique des nouveaux arrivants et combler les lacunes relevées dans l’application de la charte. Le déploiement de la loi, échelonné jusqu’en 2027, prévoit déjà l’application de plusieurs mesures : exigences linguistiques sur les contrats, la documentation interne, les communications commerciales. D’autres obligations, comme la généralisation des services en français, seront instaurées progressivement.
Quelles conséquences concrètes pour les entreprises québécoises ?
Que l’on dirige une PME ou une grande entreprise, la loi 96 impose un ensemble de nouvelles règles linguistiques. L’affichage public, la signalisation, la publicité et l’ensemble de la documentation interne doivent désormais refléter la primauté du français. L’Office québécois de la langue française (OQLF) renforce sa vigilance : il peut exiger des corrections immédiates et sanctionner sans délai. Les amendes s’alourdissent : jusqu’à 30 000 dollars pour une société, et la récidive peut mener à la suspension de permis.
Pour les contrats d’adhésion, la règle s’impose : la version française doit être présentée en priorité, toute autre langue ne venant qu’après. Côté offres d’emploi, il n’est plus possible d’exiger la maîtrise de l’anglais sans justification solide et documentée.
Les entreprises de 25 employés ou plus ont désormais l’obligation de constituer un comité de francisation, de soumettre des rapports réguliers et d’obtenir un certificat délivré par l’OQLF. Quant aux marques de commerce non francisées, elles doivent être accompagnées d’un descriptif en français, sauf dérogation de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada.
Voici un aperçu des obligations désormais incontournables :
- Traduction systématique des sites web, menus, formulaires et modes d’emploi.
- Affichage et publicité : le français doit clairement dominer.
- Rédaction en français de tous les contrats publics.
- Contrôles renforcés et amendes dissuasives.
Ces nouvelles règles influencent jusqu’à la vie quotidienne des salariés : les documents RH, les communications internes, la formation, tout doit être rédigé dans la langue de Molière. Si l’ajustement peut se révéler complexe, notamment pour les PME, le cadre juridique a le mérite d’être clair et sans ambiguïté.
Obligations, solutions pratiques et ressources pour rester en règle
Avec la Loi 96, chaque entreprise doit s’assurer que le français domine partout : affichage, contrats, communications, site internet. Cette mise en conformité ne s’improvise pas. L’Office québécois de la langue française accompagne, contrôle, et possède désormais des moyens d’action considérables : il peut demander la présentation de documents, procéder à des inspections, imposer des injonctions, ou même recommander des programmes d’apprentissage du français pour les membres du personnel.
Le règlement sur la langue de commerce et des affaires encadre le tout : toute inscription sur un produit, toute publicité doit être rédigée en français impeccable, sous peine de sanction. Les documents judiciaires, eux, doivent être traduits par un professionnel certifié, membre de l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec. Quant aux secteurs réglementés par le règlement sur les aliments et drogues ou le règlement sur le cannabis, les périodes de transition sont courtes.
Pour s’adapter, plusieurs pistes existent : Weglot propose une traduction assistée par intelligence artificielle (DeepL, OpenAI, Gemini), idéale pour mettre rapidement un site web en conformité, tout en permettant une relecture humaine. Pour les contenus juridiques ou sensibles, mieux vaut faire appel à une traduction humaine certifiée, seule garante d’une sécurité juridique totale.
Quelques étapes concrètes permettent de se préparer efficacement :
- Établir un inventaire précis de tous les documents à traduire : affiches, menus, formulaires, conditions générales.
- Utiliser les outils et modèles fournis par l’OQLF pour former les équipes et uniformiser les pratiques.
- Anticiper les contrôles : réviser et actualiser régulièrement tous les supports pour éviter de se retrouver exposé à une sanction.
Adopter la Loi 96 exige un engagement durable : audits réguliers, adaptation continue, formation des équipes. Les ressources existent, les outils sont accessibles. Reste à chacun de jouer la carte de la vigilance : négliger la langue peut coûter cher, mais viser l’excellence linguistique s’impose désormais comme un marqueur de réussite au Québec.
Le paysage des affaires québécois s’est redessiné : les vitrines parlent français, les contrats aussi, et chaque message interne porte la marque d’un choix collectif. Demain, la norme ne sera plus à débattre : elle sera simplement vécue, partout, dans la langue officielle du Québec.